Durées de conservation des dossiers du personnel et maladies professionnelles : La gestion des durées de conservation des dossiers du personnel est déjà un exercice délicat. Mais lorsqu’il s’agit de maladies professionnelles, la question devient encore plus complexe. Faut-il prolonger la conservation de certaines données RH pour anticiper une demande de la CPAM plusieurs années après le départ d’un salarié ? Et si oui, sur quelle base légale et pour combien de temps ?
Une difficulté rencontrée sur le terrain
Certaines entreprises appliquent une durée standard de conservation de cinq ans pour les dossiers du personnel après le départ du salarié. Or, il arrive que la CPAM adresse une demande plusieurs années plus tard, dans le cadre d’une reconnaissance de maladie professionnelle (exemple : syndrome du canal carpien). Cette situation illustre la difficulté à déterminer la durée pertinente de conservation, notamment face à des délais de prescription variables.
Prescription et incertitudes juridiques
En théorie, l’article L.431-2 du Code de la sécurité sociale prévoit un délai de prescription de deux ans pour la déclaration des maladies professionnelles. Mais le point de départ n’est pas toujours clair : il peut correspondre à la date de la première constatation médicale, à la cessation d’activité, ou encore à la notification de la décision de la CPAM. En pratique, ces incertitudes entraînent un risque pour l’employeur, qui peut être sollicité plusieurs années après le départ du salarié.
S’ajoute la règle du « dernier employeur » : la CPAM se tourne souvent vers l’entreprise où le salarié a exercé en dernier, même si l’exposition principale a eu lieu bien avant, chez un autre employeur. Cette logique accroît la nécessité de conserver certains éléments probatoires au-delà de la durée classique.
Employeur et SPST : distinguer les obligations
Il convient de rappeler que :
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Pour l’employeur : le Code du travail (art. D4711-3) impose de conserver pendant cinq ans les documents relatifs aux vérifications de sécurité et aux déclarations d’accidents du travail.
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Pour les services de santé au travail : les dossiers médicaux en santé au travail (DMST) doivent être conservés pendant 40 ans, mais ils ne relèvent pas de l’employeur.
L’employeur n’a donc pas à conserver des données médicales, mais il doit être en mesure de produire les éléments RH attestant des conditions de travail et des tâches réellement effectuées.
Que conserver et pour combien de temps ?
Conserver l’intégralité du dossier RH sur de longues périodes serait disproportionné et contraire au principe de minimisation du RGPD. En revanche, certains documents présentent une utilité probatoire certaine :
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Bulletins de paie : à conserver au minimum 5 ans, mais souvent archivés jusqu’à 10 ans pour des raisons sociales et contentieuses.
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Fiches de poste, contrats et descriptifs des missions : utiles pour démontrer les conditions réelles de travail.
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Éventuelles attestations d’exposition ou de formation en matière de sécurité : essentielles pour établir ou contester un lien avec une pathologie.
Une politique de conservation différenciée paraît pertinente :
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5 ans pour les documents administratifs courants (contrats, évaluations, données disciplinaires),
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10 ans ou plus pour les documents à forte valeur probatoire (bulletins de paie, fiches de poste, attestations d’exposition).
Gestion RGPD et documentation des choix
Pour rester conforme au RGPD, il est essentiel de :
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Documenter les durées de conservation retenues dans le registre des activités de traitement et dans une politique interne.
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Limiter l’accès aux archives RH, en les stockant de manière sécurisée.
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Informer les salariés de ces durées au moment de leur embauche, dans la note d’information ou la politique de confidentialité interne.
Enjeux contentieux et pratiques sectorielles
Les demandes de la CPAM ou d’un juge peuvent intervenir longtemps après le départ du salarié. Ne pas pouvoir produire les documents pertinents fragilise la position de l’employeur. Par prudence, certaines entreprises choisissent de prolonger la conservation des éléments probatoires essentiels, même si aucun texte ne l’impose.
Dans certains secteurs d’activité, des règles ou conventions collectives fixent déjà des durées plus longues, en fonction des risques spécifiques (BTP, chimie, etc.). Vérifier les obligations sectorielles est donc indispensable.
Le cadre légal fixe des durées minimales, mais reste flou sur la question des maladies professionnelles. En pratique, les employeurs doivent trouver un équilibre entre :
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respecter le principe de minimisation des données,
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et anticiper les demandes tardives des organismes sociaux.
Une stratégie différenciée, combinant une conservation courte pour les dossiers administratifs classiques et plus longue pour les pièces probatoires, permet de concilier conformité RGPD et sécurité juridique.

































